Le directeur de l’Opéra National de Lorraine, Laurent SPIELMANN, s’est prêté à l’exercice d’une conférence donnée en exclusivité aux apprentis du CFA Métiers des arts de la scène, jeudi 4 avril 2019. Au menu de cette conférence, un grand retour sur son expérience personnelle dans le domaine de la musique et le monde de l’opéra à la veille de son départ.
On pourrait croire que l’accès à un tel poste relève d’une perspective imaginée depuis des années, d’un travail assidu et rigoureux dans cet unique but.
Dans le cas de Laurent SPIELMANN, et selon ses mots, absolument pas. Devenir directeur d’un opéra « relève du hasard et de la chance ». En somme, d’un concours de circonstances. Attention cependant, il n’est pas question de dire que l’homme n’a pas travaillé dur pour en arriver là. Même si sa carrière dans la direction de l’opéra était très incertaine…
Retour sur l’homme qui a tenu les rênes de l’opéra pendant 20 ans.
Un enfant pas comme les autres
Laurent nait dans une famille modeste, dont le chef de famille est fondeur, dans la revente des métaux. Monsieur SPIELMANN (entendez par là le père) est un grand passionné de musique classique, une passion dont hérite son jeune fils, Laurent. Cela-dit, bien que très vite amateur de classique, il ne peut pas en dire autant de l’opéra, qu’il a très vite en horreur.
Laurent est un enfant différent des autres. Tout ce qui n’est pas du classique est ringard. Les Beatles, ce n’est pas pour lui. Il entreprend des études de piano, durant lesquelles il est « misérable ». Un excès de modestie ou bien une dure réalité ?
Ce n’est qu’une fois jeune adulte que Laurent s’intéresse aux autres genres musicaux. Rock n’roll, jazz, il se met à écouter et découvrir les autres musiques qui l’entourent, ce qui intéresse le grand public de l’époque. Bien entendu, la découverte de ces genres musicaux n’entache en rien son amour pour la musique contemporaine. Et ce n’est pas son attrait particulier pour le festival de musique allemand de Donaueschingen qui indique le contraire.
La naissance d’un meneur
Malgré ses déboires avec le piano, le jeune homme amateur de classique entreprend des études supérieures dans l’institut de musicologie de Strasbourg. Il y rencontre d’autres étudiants, mais surtout, des musiciens, avec lesquels il décide de former des groupes. Bien plus à l’aise dans les coulisses que sur scène, Laurent se découvre une âme de meneur. Il est fait pour diriger. C’est parce qu’il aime mener la danse qu’il organise des concerts en tant qu’étudiant. Malheureusement, ce dernier se doit d’arrêter la musicologie pour subvenir aux besoins familiaux, en reprenant l’entreprise familiale suite à une dégradation de la santé de son père.
Il se retrouve à la tête de la fonderie et doit se trouver un intérêt pour la bourse afin d’aider les affaires. C’est grâce à cette nouvelle expérience qu’il développe ses compétences managériales. Il y assure son rôle durant plusieurs années, mais l’appel de la musique est plus fort que lui, il doit y retourner. Il cède donc l’entreprise à un parent proche afin de retourner auprès de ce qui le passionne.
Entre poussière et modernité
Pour Laurent SPIELMANN, « Il n’y a pas de rupture musicale, juste de la continuité ». Ce principe en tête, il intègre le Maillon, en 1981. Il y rencontre Jack Lang, alors au Ministère de la Culture. C’est également dans cet établissement qu’il prend part à une collaboration avec Laurent Bayle en 1982 pour l’organisation du Festival Musica, avant d’intégrer l’Opéra National de Strasbourg en 1991.
En 2001, il accède au poste auquel nous le connaissons aujourd’hui. C’est cette année-là qu’il est appelé pour devenir le prochain directeur de l’Opéra national de Lorraine. Il devient alors le plus jeune directeur d’opéra de France, ce qui n’est pas vraiment pour le servir.
Toute la presse est contre lui, le public se retrouve effrayé. « Un petite jeune à la tête de l’opéra », voilà ce qui effraie, qui risque de bousculer les habitudes. En effet, il n’est pas simple de tendre vers la modernité à l’opéra. La prise de risque est considérable, mais Laurent est un homme qui n’a pas froid aux yeux. Il a des doutes, bien sûr, mais ce sont ces mêmes doutes qui lui permettent d’avancer, ils lui donnent le recul nécessaire.
Ne peut pas dresser un programme qui le veut. Toutes les combinaisons sont possibles, mais il faut avoir un projet ; c’est la base de tout. Un programme ne se fait pas, il se construit.
Laurent a soif de nouveauté, de fraîcheur. « À bas les conventions » peut-on l’entendre dire depuis son bureau. Selon lui, il est important d’abattre les murs. Un programme se doit de porter un projet politique. Il faut modifier le regard des gens sur les œuvres dans le monde actuel.
Comme il aime le dire : « La poussière retombe toute seule ». S’appuyer sur le classique, c’est bien, mais se réinventer, c’est mieux. Il y a nécessité d’amener un public à s’intéresser à autre chose, à ce qu’il y autour de l’œuvre. Un combat loin d’être aisé avec la pression du public, ainsi que des élus et de la presse. Mais c’est son combat, sa lutte, celle qu’il s’est efforcée de mener pendant près d’une vingtaine d’années. Une lutte dont il s’apprête à passer le flambeau.
Le rideau tombe, mais la scène suivante est en préparation.